Daniel Fasquelle : "Tarification progressive de l’énergie : l’enfer énergétique est pavé de bonnes intentions !"
Une proposition de loi qui touche 30 millions de foyer et qui concerne un marché de plusieurs dizaines de milliards d’euros méritait certainement plus que quatre jours de débat ! Via ce texte
instaurant un dispositif de tarification progressive de l’énergie sans concertation préalable ni étude d’impact, la majorité bouscule l’agenda parlementaire alors qu’une conférence
environnementale est prévue les 14 et 15 septembre. Et pourtant, nous aurions eu besoin de temps pour faire comprendre aux socialistes combien ils font fausse route !
Le dispositif de tarification progressive est en effet d’une effroyable complexité
Le principal dispositif consisterait à instaurer trois paliers de tarification correspondant à une consommation de base, de confort et de gaspillage. La consommation de base donnerait lieu à un
bonus et serait facturée en dessous de la moyenne actuelle, alors que les autres paliers feraient l’objet d’un malus qui financerait le bonus des autres. Tout cela modulé selon la zone
climatique, le mode de chauffage et le nombre de personnes par foyer.
Mais sur quels critères définir les zones climatiques ? Prendra-t-on en compte l’altitude pour les régions montagneuses ? Qui vérifiera le nombre exact de personnes au foyer quand les enfants
sont étudiants ou dans les familles recomposées ? De plus, les maisons secondaires sont exclues du dispositif et les immeubles collectifs ont un autre mode de calcul. Uniquement lisible par les
experts, cette nouvelle tarification risque de déformer la valeur réelle de l’énergie alors qu’une prise de conscience de tous sur sa rareté devient nécessaire.
Le dispositif est par ailleurs potentiellement lourd pour les finances publiques
La collecte d’informations pour mettre en place ce système nécessiterait l’embauche de fonctionnaires pour contrôler les informations recueillies auprès de 30 millions de foyers. S’imagine-t-on
le contrôleur des impôts aller chez les Français vérifier que tout le monde habite bien là où il devrait ? Combien va coûter l’administration qui devra être mise en place à l’échelle de tout le
territoire pour « accompagner [les Français] dans une amélioration de l’économie d’énergie » ?
De plus, aucune projection sur les modalités concrètes de mise en œuvre de ce dispositif n’a été réalisée. Comment peut-on donc prétendre alimenter le débat ? Il est en effet inacceptable qu’un
dispositif aux conséquences si importantes pour les ménages français soit proposé sans aucune étude d’impact ni aucune projection financière.
Le dispositif est également inégalitaire, intrusif et contre-productif
Ce dispositif est injuste pour les personnes âgées et les chômeurs qui passent plus de temps chez eux, les familles nombreuses ou les personnes logeant dans des « passoires énergétiques ». Sans
compter que les ménages n’ayant pas d’autre choix que de se chauffer au fioul ne bénéficieront de rien. De plus, les informations nécessaires à ce dispositif feront que jamais l’administration ne
se sera autant immiscée dans la vie privée de ses administrés. Enfin, le système est contre-productif, car soit les ménages les plus aisés maintiennent leur niveau de consommation et rien ne
baisse, soit tout le monde réduit sa consommation et le dispositif ne peut plus s’autofinancer puisque les malus des uns permettent aux autres de jouir de bonus.
Des solutions simples et plus efficaces sont possibles
Les ménages titulaires de la couverture médicale universelle bénéficient déjà de tarifs préférentiels pour l’électricité et le gaz naturel. Au lieu d’instaurer un système dont la viabilité est
sujette à caution, ne serait-il pas plus judicieux d’organiser une politique de redistribution fiscale et d’aider les ménages les plus modestes à acquérir leur logement et utiliser des
équipements propres ?
Si cette proposition de loi poursuit de louables intentions, elle manque cruellement de réalisme. Le Président de la Commission des affaires économiques n’a pas manqué de souligner le caractère «
unique au monde » de cette loi. Et pour cause ! Qui voudrait d’un tel système ? Ce sont surtout les socialistes français qui sont uniques au monde !
Daniel Fasquelle
Député-Maire du Touquet
Vice Président de la commission des affaires économiques